Carottes et Bâtons - suite

Motivation tip #11

Carottes et bâtons - suite
Quand les carottes coupent l'appétit

Le "Motivation tip" #10 abordait les motivations externes : récompenses/punitions, incitations/menaces.

J'avais évoqué un inconvénient :
Quand une motivation externe est perçue comme contrôlante, utilisée par quelqu'un d'autre pour pousser à agir, ça a tendance à torpiller la motivation intrinsèque qui pouvait exister précédemment pour cette même action.

Il y a une subtilité : les récompenses/punitions ont cet effet seulement lorsqu'elles sont connues avant l'action, et surtout "perçues" et "vécues" comme une tentative d'influence.
Ce ne sont pas les récompenses/punitions en soi qui ont cet effet, c'est la manière dont elles sont perçues.

Exemple :

Enfant, on arrive à l'école avec une motivation intrinsèque forte pour découvrir, apprendre, progresser. 

Pendant l'apprentissage, les notes peuvent être perçues par certains comme des incitations ou des menaces.
Elles vont motiver un travail, immédiatement avant les évaluations, mais elles ne garantiront pas la qualité de ce travail, ni la persévérance, ni l'implication passionnée pendant les cours, et elles peuvent même entraîner une démotivation durable si l'élève sent que ses notes mesurent davantage son incompétence que sa progression.

Au contraire, les notes peuvent être perçues comme des "conséquences naturelles" : des informations qui vont mesurer ou confirmer la performance d'une démarche active d'apprentissage, sans avoir de valeur d'incitation ni d'influence.
Auquel cas elles ne remettent pas en cause le plaisir ou l'intérêt propre d'apprendre et de progresser.

Pour certains élèves, les notes peuvent être une information de "score" dans un jeu IRL. 
L'important c'est le plaisir de jouer.
Les notes deviennent des motivations puissantes.
Mais des motivations pour jouer, pas pour la démarche d'apprentissage, ni pour les contenus qui peuvent être oubliés dès que la partie est finie.

Bref, les notes en elles-mêmes ne motivent pas ou ne démotivent pas (même si la démotivation peut être très intense). 
Ce qui démotive, c'est la façon dont elles sont perçues, vécues. 
Sont elles perçues comme incitations, punitions, informations neutres, éléments d'un jeu ?
Et donc quel est leur effet sur le plaisir de l'apprentissage, l'investissement, la pérennité des acquis ?

Moralité : dans une démarche d'automotivation, un facteur de motivation externe (récompense/punition) peut avoir sa place.
Il est efficace pour atteindre un résultat immédiat, cependant il y a un risque de fragilisation d'une motivation intrinsèque préexistante et rien ne garantit la qualité de l'action, ni la persévérance, ni le bien-être.

Mise en pratique #11

Dans cette mise en pratique, j'explore les moyens de se protéger de la détérioration de la motivation intrinsèque due à certaines pratiques de motivation externe.

Je disais ci-dessus que les motivations externes qui sont à la fois prévues et perçues comme une tentative d'influence ont tendance à "torpiller" la motivation intrinsèque.

Comment gérer cela ?

Étape 1

Repérer les facteurs de motivation externes ("tip" #10).

Repérer ceux qui sont à la fois : 

  • prévisibles, prévus, connus d'avance ;
  • ressentis comme ayant pour but d'influencer l'action.
Étape 2

Aménager, transformer son environnement pour ne plus être influencé par ces facteurs.
Mais on n'a pas toujours prise sur cet environnement.

Dans ce cas, essayer de ne plus tenir compte de ces facteurs dans la réalisation de l'action.

Je donne un exemple :

Je veux postuler à un emploi dont l'activité m'est passionnante, pour laquelle j'ai une motivation intrinsèque forte.
Croyant bien faire, l'employeur propose un salaire comportant une part variable indexée sur l'atteinte d'objectifs.
Clairement cette part variable vise à me "motiver", m'influencer pour la réalisation de mon travail.
Et c'est annoncé d'avance.
Donc en théorie, je m'attends à des conséquences indésirables sur ma motivation intrinsèque.

Un premier risque est de me focaliser sur cette part variable, et donc de me concentrer sur les objectifs.
Je pourrai donc avoir tendance à favoriser la réalisation des objectifs "a minima", au détriment de la qualité de l'action, en utilisant tous les moyens disponibles (honnêtes ou non). Surtout si la part variable de salaire m'est nécessaire.

Un second risque, plus grave, est de détériorer ma motivation intrinsèque initiale, et donc que cette activité soit moins intéressante, voire plus vraiment intéressante.

Connaissant ces risques, je peux décider de ne pas tenir compte des primes sur objectifs. De m'attacher à l'activité elle-même, son intérêt, sa qualité, les valeurs que je veux y faire vivre, en occultant l'aspect "prime, part variable".
S'il y a une prime, tant mieux, s'il n'y en a pas, tant mieux.

J'avoue que ce n'est pas facile !
La meilleure approche reste de changer l'environnement, dans ce cas renégocier le calcul de la rémunération, sans indexation sur les objectifs.


Au fait, si vous êtes enseignant, manager, parent, comment pouvez-vous aménager ou transformer l'environnement de vos étudiants, collègues, enfants, pour ne pas induire une détérioration de leur motivation intrinsèque suite à l'utilisation de certaines motivations externes ?
Bonne réflexion créative !

Et ensuite ?

Je n'ai pas donné une image positive de la motivation externe, et c'est vrai qu'elle a un impact net sur le bien-être (ou l'absence de bien-être).
C'est quand même plus confortable quand on ne se sent pas manipulé, quand la motivation vient de soi-même.

On en reparle dans le "Motivation tip" #12 !


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